Covid-19, Démocratie participative, Transition écologique, Solidarité

La tribune d'André Viola pour construire, ensemble, "le monde d'après"

ILLUSTRATION MONTRANT DES PERSONNES ARROSANT UNE PLANTE OÙ GERMENT DES IDÉES
© Getty Images

Le président du conseil départemental de l'Aude, André Viola, appelle à "panser le présent et penser l'avenir".

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« Panser le présent et penser l'avenir »

Une tribune d’André Viola, président du conseil départemental de l’Aude

 

 

Ils ne sont pas nombreux ceux qui auraient pu prédire qu’au 21e siècle, plus de la moitié de l’humanité, dont la quasi-totalité des habitants des pays développés, se retrouverait confinée chez elle, sommée de limiter ses déplacements et ses activités sociales et professionnelles, et de maintenir à l’arrêt des pans entiers de l’économie. Et tout cela non pas à cause d’un conflit militaire mondial mais d’un organisme parmi les plus microscopiques que compte notre planète : un virus.

 

Tous les moyens doivent être mis pour soigner nos malades, prévenir la propagation de la maladie, trouver les médicaments pour soigner et les vaccins pour prévenir. L’urgence commande ces actions depuis deux mois. Et il est heureux de voir que la communauté internationale des chercheurs et des scientifiques se mobilise pour apporter des réponses. Mais la science n’est pas le domaine des vérités absolues et nous devons vivre actuellement avec les inexactitudes, la controverse, et les débats d’experts. C’est ainsi que tout progrès scientifique a pu voir le jour…

 

Vivre avec l’absence de certitudes fait désormais partie de notre quotidien : informations évoluant au jour le jour sur ce virus et inconstance des décisions politiques nationales accentuant le malaise ambiant.

  

Pourtant, au plus près du terrain, le monde s’est organisé. J’ai déjà eu l’occasion de tirer mon chapeau à tous les soignants et plus largement, tous ceux qui, « premiers de corvées », depuis le début du confinement en France assurent notre protection sanitaire et nos moyens de subsistance. Nous n’arriverons jamais à les remercier assez. Sans eux, nous ne pourrions pas non plus nous questionner aujourd’hui sur notre avenir.

 

Or ce questionnement est primordial. Peut-on alors sérieusement penser que la vie doit reprendre son cours normal comme avant ? Assurément non.  

 

D’une crise peuvent émerger soit un processus de créativité, d’imagination et de recherche de solutions nouvelles, soit la recherche d’une stabilité passée ou d’un salut providentiel. Cette analyse du philosophe de la complexité Edgar Morin, je la fais mienne. Et je ne veux pas que nous empruntions une fois encore cette deuxième voie.

 

Si l’événement déclencheur est sanitaire, la crise, elle, est éminemment politique.

 

 

Ce sont nos modes de gestion, nos schémas de pensée dominants issus de l’idéologie néolibérale qui montrent leurs limites et leur incapacité à résoudre les problèmes qui se posent à nous. C’est la prime aux importations à l’autre bout de la planète qui n’ont aucun sens lorsque nous pouvons produire localement. C’est la désindustrialisation de notre pays qui nous prive de masques, de tests et de respirateurs. Ce sont les inégalités sociales qui s’aggravent lourdement. C’est la surconsommation érigée en Graal du bonheur. C’est l’oubli coupable qu’en tant qu’êtres humains nous appartenons au règne du vivant et que nous devons le respecter et non l’exploiter.

 

Au contraire, je souhaite que nous cheminions sur la voie des solutions nouvelles, des démarches innovantes et des pensées alternatives.

 

Ce chemin, nous l’arpentons depuis quelques temps au Département de l’Aude. L’année dernière, afin de répondre aux mutations sociétales à l’œuvre tant dans le monde qu’au niveau local, nous avons choisi d’accompagner et d’amplifier les transitions écologique, territoriale, solidaire et démocratique. Ce ne sont pas seulement des concepts. Des actions concrètes ont été menées. Nous sommes engagés avec volonté dans cette direction, avec la démarche Accel’air et son forum des solutions pour la transition énergétique et écologique, avec le soutien aux pratiques écologiques dans l’agriculture, avec des choix techniques permettant l’adaptation des bâtiments départementaux au changement climatique, avec le budget participatif, avec l’accueil social inconditionnel, avec la promotion des circuits-courts et du "manger audois", avec l’accompagnement des actions innovantes de nos territoires ruraux, avec la création du conseil départemental de la jeunesse, avec le soutien à la création d’habitats collectifs adaptés pour les personnes âgées ou encore avec les aides aux internes en médecine pour lutter contre la désertification médicale…

 

Cela ne suffit pas. Le bouleversement en cours nécessite de marcher plus vite, d’accroître la cadence, d’aller plus loin. Et d’y aller ensemble !

 

Déjà des initiatives naissent. La crise sanitaire aura au moins démontré que face à une telle adversité, les humains sont encore capables, individuellement et collectivement de se mobiliser pour "s’en sortir sans sortir", ensemble. Elle a fait naître des solidarités inédites aussi bien entre particuliers qu’avec les entreprises, les soignants... Elle a vu s’associer des talents pour offrir des solutions.

 

Alors que, depuis le début, le gouvernement a loupé de nombreux rendez-vous, annonçant une guerre qui n’en est pas une, la crise nous a montré que le pouvoir d’agir est entre nos mains et que la volonté sincère et désintéressée de quelques-uns peut faire beaucoup

 

 

 

 

Aujourd’hui, rien ne serait pire ni plus désespérant que de reprendre au plus vite "nos vies d’avant" le confinement, comme si rien ne s’était passé.

 

La maire de Paris, Anne Hidalgo, des élus locaux, des personnalités publiques et des citoyens ont interpellé le président de la République il y a quelque jours, en lui demandant de mettre tout en œuvre pour que les citoyens de France, quel que soit l’endroit où ils se trouvent, puissent contribuer à construire le fameux "monde d'après". Ils l’exhortent à faire en sorte que ce soient les citoyens eux-mêmes qui soient les garants de ce processus de construction. Il ne faut pas que ce moment collectif souffre de la chape de plomb techno-administrative que nous avons connue lors du "grand débat" de l'année passée.

 

Je m’associe pleinement et sans réserve à cette démarche. Comme beaucoup de Françaises et de Français, j’ai envie de l’interpeller : soyez à la hauteur de l’enjeu du monde d’après ! Je crains, hélas, qu’une nouvelle fois, la déception ne soit là et que le président ne manque ce rendez-vous que la France doit prendre avec son avenir. Que l’engagement pourtant pris solennellement devant les Français, de tirer les leçons et de se "réinventer", "moi le premier", ne soit jamais tenu…

 

Mais trêve d’apitoiement. L’avenir nous appartient. Saisissons-nous de cette situation pour la transformer.

 

Ainsi, je m'engage à fournir les moyens aux Audoises et aux Audois de donner leur avis et de contribuer à écrire ce monde d’après. Et, nous prouverons que, nous, citoyens et élus locaux d'un territoire rural, faute d'un État au rendez-vous, nous sommes autant capables de panser le présent que de penser l'avenir.

Ainsi, dès le 18 mai, la plateforme participative en ligne du Département, "jeparticipe.aude.fr" deviendra un lieu d’échange et d’élaboration de ce monde d’après, pour les citoyens audois.

 

Chacun pourra y dire ce qu’il veut changer pour que demain soit différent d’aujourd’hui. Chacun pourra expliquer comment il envisage que ce changement doit être mené. Ce sera un lieu de propositions, un lieu d’échanges, un lieu de construction collective pour métamorphoser notre société. À la mi-juillet, nous transmettrons ces propositions au président de la République. Mais surtout, je m’engage, à ce que le Département mette en œuvre ce qui sera de son ressort. Un autre monde est possible. Plus juste, plus solidaire, plus humain, et plus responsable. C’est à nous de l’écrire.

 

Il n’y a pas de fatalité, il n’y a que des fatalistes. Et, je le sais pour avoir traversé avec eux d’autres crises dans un passé récent, les Audois ne le sont pas.  

Le monde d’après, comme le dit le titre d’un très beau film, "ça commence aujourd’hui" !