Président de la Chambre d’agriculture de l’Aude depuis huit mois, Ludovic Roux, vigneron à Talairan, a déjà vécu les manifestations du printemps, la sécheresse et le dramatique incendie des Corbières. Conscient des difficultés à venir, il est prêt à relever, avec les agriculteurs audois, les défis majeurs, dont celui de la gestion de l’eau.
Depuis votre élection en mars dernier, vous avez connu le mouvement de mai, la sécheresse et le feu dans les Corbières. Comment avez-vous vécu cette période ? Ludovic Roux.Nous savions, dès le lancement de notre campagne, que cela serait compliqué. L’incendie des Corbières a ajouté du drame mais c’est en réalité une continuité. Mon prédécesseur avait déjà annoncé que ce feu surviendrait un jour. Mais nous sommes combatifs ! On se doit, et je me dois, d’être optimiste, même si j’avoue que c’est parfois dur de l’être. Il nous faut à présent trouver des solutions.
Quels sont les principaux défis ? L. R. Le premier est celui de l’eau. Sans eau, pas de vie et pas de culture. Nous savons aujourd’hui que nous devrons faire face encore à de longues périodes de sécheresse. Parmi les solutions, nous prônons des forages collectifs mesurés et mesurables au regard du niveau des nappes et des retenues collinaires. Il faut que des projets comme la retenue collinaire en Val-de-Dagne et le forage collectif à Talairan aboutissent vite pour redonner l’envie d’y croire. Je rencontre, tous les jours, des gens qui parlent d’arrêter. La priorité est de redonner de l’espoir et leur dire qu’il y a un chemin possible. Quel que soit leur niveau de compétences, les responsables politiques doivent agir en stratèges, fixer les trajectoires, mobiliser les moyens. C’est une condition de la survie des territoires.
Comment voyez-vous la gestion de cette eau rare ? L. R. Il va falloir parler de l’utilisation de l’eau et de partage. Et l’on sait que, même avec des investissements structurels, ce sera difficile. Il faut de la sobriété et de la solidarité. L’impulsion du politique est essentielle en ce domaine.
La viticulture et plus largement l’agriculture font face à une crise, comment en sortir ? L. R. Le marché mondial du vin souffre depuis cinq ans en lien avec la situation économique. Les gens sortent moins et le vin devient moins prioritaire. Mais dès que cette crise économique et géopolitique sera derrière nous, la consommation mondiale sera suffisante pour qu’il y ait une filière vin en France. Notre défi est de proposer des vins adaptés pour vendre dans le monde entier.
La diversification peut-elle être une solution ? L. R. À la Chambre d’agriculture, nous devons tout envisager. Il faudra nécessairement des zones de polyculture, mais que l’on produise du vin, des pistaches ou des olives, l’eau est indispensable. Le monde viticole, l’élevage et les grandes cultures font face à de grosses difficultés : des réflexions poussées doivent être menées sur la restructuration des exploitations. Dans tous les cas, le défi, c’est de retrouver de la rentabilité sur les exploitations ! On prône aussi la reconnaissance de la zone méditerranéenne, synonyme d’aides et de réglementations spécifiques.
Vous avez débuté il y a 24 ans, de quoi êtes-vous le plus fier aujourd’hui ? L. R. Je reste humble. Je ne souhaite pas être un accompagnateur de fin de vie. Il faut aujourd’hui avoir le courage de la nuance. Je ne renie pas mon passé, mais il faut chercher à rassembler pour trouver des solutions. Je suis content de voir que mon fils a envie de travailler avec moi. Pour savoir où on va, il faut savoir d’où on vient. Sur les tombes de mon grand-père et de mon père, il y a des plaques du CAV [le comité d’action viticole, ndlr]. La défense du monde viticole était dans leurs tripes. Aujourd’hui, j’ai un autre parcours mais la même envie de défendre mon métier.
Biographie Express 12 février 1981. Naissance à Narbonne puis enfance à Talairan où il vit aujourd’hui. 2000. Bac professionnel « vigne et vin » au lycée Charlemagne. 2002. Ludovic se lance en exploitant 24 hectares de vignes. 2010. À 29 ans, il devient président de la cave coopérative des Terroirs du vertige. 2012. Il crée une EARL au départ en retraite de son père et passe à 30 hectares. 2021. Président des Vignerons coopérateurs d’Occitanie et vice-président du groupe vins au Copa-Cogeca, le syndicat des coopérateurs au niveau européen. 2025. Président de la Chambre d’agriculture de l’Aude