Aider les paysans à rester debout

Cécile Hollard et Patrick Perle
L’association Solidarité Paysans Aude et Pyrénées-Orientales accompagne les paysans en difficulté. Une trentaine d’agriculteurs sont ainsi suivis chaque année. Pour faire face à une situation de plus en plus délicate, Cécile Hollard et Patrick Perle, co-présidents, lancent un appel aux bénévoles et à de nouvelles aides.

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AudeMAG. Qu’est-ce que Solidarité Paysans ?

Patrick Perle. À force de voir le grand désarroi du monde paysan, nous avons décidé de nous investir et, dès 2011, nous avons constitué un groupe rattaché à Solidarité Paysans Languedoc. Nous avons créé une association pour l’Aude et les Pyrénées-Orientales en 2019 qui rassemble aujourd’hui une quinzaine de bénévoles et une salariée. Nous avons une approche globale en proposant une aide administrative, parfois juridique, technique, sociale et humaine. Notre action peut être ponctuelle ou sur le long terme.

Cécile Hollard. Solidarité Paysans s’adresse à tous les agriculteurs. Des personnes qui pratiquent des agricultures classiques peuvent nous appeler. Les bénévoles formés interviennent toujours en binôme, afin d’avoir deux regards sur la situation et d’échanger pour apporter ensemble la meilleure réponse possible aux agriculteurs.

Comment se déroule l’accompagnement ?

Patrick Perle. Nous n’intervenons qu’à la demande des personnes en difficulté. Le premier contact se fait par téléphone ou par mail. Nous essayons d’évaluer l’urgence de l’intervention. Ce sont souvent des problèmes administratifs ou d’endettement, qui masquent l’engrenage classique de la descente aux enfers.

Cécile Hollard. Nous tenons à ce que le premier rendez-vous se fasse à la ferme pour établir un lien de confiance avec le paysan. Nous organisons parfois des chantiers solidaires d’une réelle efficacité.

Comment qualifieriez-vous aujourd’hui la situation dans l’Aude ?

Cécile Hollard. Ce qui nous inquiète, c’est que de plus en plus de jeunes qui s’installent nous appellent. Nous en suivons plusieurs qui ont démarré pendant la crise de Covid-19, qui ont dû faire face au gel, notamment chez les viticulteurs. La sécheresse de l’été dernier et de cet hiver ne fait qu’accentuer la précarité.

Patrick Perle. La situation est de plus en plus critique. Nous sommes passés de 15 à 20 cas suivis par an à plus d’une trentaine aujourd’hui. Nous arrivons souvent trop tard quand la situation est très dégradée. Nous voyons la détresse !

 Il n’y a pas de honte à demander de l’aide !"

Quels sont vos besoins ?

Patrick Perle. Je remercie le Département de l’Aude qui nous aide comme l’a fait aussi la fondation Un monde pour tous. Mais pour faire face aux difficultés actuelles, nous avons besoin d’une plus grande reconnaissance des institutions. Le nerf de notre action, ce sont les financements. Le contrat de notre salariée n’est que de 24 heures par semaine. Aujourd’hui, nous saturons !

Cécile Hollard. Nous avons aussi besoin de plus de bénévoles et pas uniquement sur l’accompagnement. Des personnes, non issues du monde agricole, peuvent nous rejoindre. Nous aurions besoin, par exemple, d’un comptable.

Un message à passer aux paysans ?

Patrick Perle. Nous souhaitons que les personnes nous appellent plus rapidement, au début de leurs difficultés. Et plus généralement, il faudrait remettre en cause le modèle agricole actuel qui est à la base des difficultés.

Cécile Hollard. Je dirai : ne pas rester seul ! Il n’y a pas de honte à demander de l’aide. C’est cet isolement et cette culpabilité qu’il faut casser. Nous devons aussi plus communiquer. À ce sujet, une stagiaire de l’École de la deuxième chance, graphiste, a réalisé une BD et nous souhaitons la diffuser pour sensibiliser tous les agriculteurs.

BIOGRAPHIE

CÉCILE HOLLARD
1956. Naissance à Grenoble, enfance dans les montagnes et les fermes.
1979. Elle travaille deux ans pour un écomusée dans le cadre de son DEFA animatrice développement local en zone de montagne.
1981. Elle vit jusqu’en 1991 à Fontiers-Cabardès avec son compagnon éleveur de brebis laitières.
1997. Retour au Colombier à Fontiers-Cabardès, seule avec ses quatre enfants. Elle élève alors des chèvres.
2019. Elle transmet sa ferme à son fils Thomas, avec qui elle a été associée pendant quatre ans. Et intègre Solidarité Paysans.

PATRICK PERLE
1964. Naissance en Algérie dans un lycée agricole où son père enseigne.
1972. La famille rentre en France, d’abord à Marseille puis, deux ans après, à Vallauris. 1988. Patrick obtient son bac technique agricole.
1989. Il devient chef de culture, d’abord à Carcassonne, puis trois ans à Aix et trois autres années en Corse.
1993. Il se lance dans l’activité de maraîchage et exerce en tant que maréchal-ferrant en pluriactivité.
2007. Il se consacre entièrement au maraîchage à Bugarach.
2011. Il fait partie du groupe d’agriculteurs rattaché à Solidarité Paysans Languedoc et créera, six ans plus tard, Solidarité Paysans Aude et Pyrénées-Orientales.