L’Alose feinte de Méditerranée est un poisson migrateur amphihalin, ce qui signifie qu’il effectue une partie de sa vie en eau douce et l’autre en eau salée. Il s'agit d'une espèce endémique du bassin méditerranéen, ce qui lui confère un gros enjeu de conservation. Diverses études ont permis d'identifier le fleuve Aude comme fleuve côtier méditerranéen le plus colonisé en France et après le Rhône, par ce poisson bien singulier.
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Un poisson au cycle biologique particulier
L'Alose, poisson au corps fusiforme et aplati pouvant mesurer quelques 40 cm, est, comme de nombreuses espèces d'oiseaux, migrateur ! En effet, ce poisson vit en mer principalement en zone côtière sur des fonds de moins de 20 mètres mais il se reproduit ... en eau douce. A partir des mois de mars - avril et durant tout le printemps, les adultes reviennent dans les rivières d'eau douce dès que les conditions thermiques leur sont favorables.
Une reproduction... très bruyante !
L’alose feinte se reproduit alors sur des secteurs bien spécifiques appelés "frayères" que les poissons choisissent en fonction du substrat (taille des cailloux et des galets) et de la courantologie (vitesse et profondeurs spécifiques) . L’acte de ponte est très particulier. On le nomme d'ailleurs "le bull" : un rapide mouvement circulaire d’au moins deux géniteurs flanc contre flanc, frappant violemment la surface de l’eau avec leur nageoire caudale pour favoriser la fécondation des œufs. Cet acte engendre un tourbillon pouvant être très bruyant (jusqu’à 50dB) durant 3 à 10 secondes. Un spectacle assez spécial que les amateurs peuvent alors découvrir au bord de l'eau, pendant la nuit !
Après une courte période d’incubation, les juvéniles, nommés "alosons", grandissent en rivière avant de rejoindre l’estuaire puis la mer à la fin de l'été et à l'automne. Pour terminer ce cycle biologique, quelques années de grossissement en mer (de 2 à 6 ans en fonction du sexe) permettront aux aloses de remonter les fleuves car ce sera à leur tour de s’y reproduire.
Les géniteurs d'Alose feinte de Méditerranée peuvent effectuer plusieurs reproductions dans leur vie. Ils rejoignent ainsi la mer à la fin du printemps après la reproduction.
L'Aude, un fleuve d'importance pour cette espèce
Diverses études conduites depuis les années 90 ont permis de comprendre que l’Aude, en tant que grand fleuve côtier méditerranéen, constitue un territoire stratégique pour la colonisation et la reproduction des aloses feintes de Méditerranée. Les données historiques révèlent en effet que ces poissons pouvaient remonter jusqu'aux environs de Carcassonne et sur l’Orbieu, et que de nombreux habitats potentiellement favorables à la reproduction sont encore présents entre Carcassonne et la mer.
Ces dernières années, l' activité de reproduction s'est particulièrement concentrée en aval immédiat du seuil de Moussoulens. Ce seuil, sur la commune de Sallèles-d'Aude, sert de prise d'eau pour alimenter le canal de la Robine, qui relie le Canal du Midi à la Méditerranée en passant par Narbonne et Port-la-Nouvelle. Il constitue un point de blocage des géniteurs qui n'ont d'autres choix que de se reproduire en aval.
Une espèce suivie de près par les organismes de protection de la faune sauvage
De son côté, le Département de l'Aude, dans le cadre de sa politique "espaces naturels sensibles", accompagne financièrement l'association MRM dans ses études et ce chaque année depuis 2021, cette dernière ayant pour objectif de contribuer à la connaissance, la sensibilisation, la restauration et la gestion des populations de poissons migrateurs et de leurs milieux de vie.
L'importance fondamentale de la restauration de la continuité écologique des cours d'eau
Malheureusement, cette espèce migratrice rencontre, pour se reproduire, nombre d'écueils dans sa remontée des fleuves côtiers. Les épisodes de sécheresse de plus en plus marqués et même possiblement pendant le printemps amoindrissent les secteurs favorables à la ponte des oeufs qui donneront, en conditions favorables, des alosons. Des prises d'eau pour des usages divers peuvent également, dans certaines conditions, renforcer ce problème de quantité d'eau sur les frayères du fleuve Aude.
Les seuils, barrages ou tous types d'obstacles sur le cours d'eau générant un frein ou un blocage total pour les poissons ont pour conséquence de réduire la biodiversité de cette faune aquatique et donc de porter conséquence à l'état écologique général des rivières.
Des solutions pour faciliter la ponte des oeufs
Diverses solutions existent : rendre accessible aux aloses les frayères moins impactées par la diminution des débits (cela passe par le dérasement d'obstacles ou par la construction de passes à poissons sur les seuils) ; définir et respecter un débit minimum biologique (débit permettant aux espèces aquatiques ciblées de survivre, circuler et de se reproduire) qui pourrait devenir règlementaire ; restaurer des frayères fréquentées par les aloses afin d'optimiser la reproduction.
A ce titre, ces dernières années, de nombreux seuils entre Puichéric et la mer ont été équipés de passes à poissons. Il reste le seuil de Moussoulens, second ouvrage depuis la mer, équipé d'une passe à poissons non fonctionnelle pour les aloses. Toutefois, elle fait l’objet d’un projet de réaménagement, prévu pour 2028 par son propriétaire, Voies navigables de France. Le type et le dimensionnement du futur dispositif de franchissement est conceptualisé par un bureau d'étude mandaté spécifiquement par VNF à cet effet, entouré par un comité de pilotage constitué des services de l'Etat (DDTM/OFB), de l'Agence de l'Eau RMC (financeur du projet) et des experts en suivis piscicoles (association MRM et Fédération Départementale de Pêche).