Restos du coeur : la pauvreté n'est pas confinée

Gilbert Oliver
La 36e campagne hivernale des Restos du coeur confirme l’arrivée de nouvelles populations victimes collatérales du Covid-19. Jeunes, intérimaires, retraités... subissent la crise de plein fouet. Gilbert Oliver, responsable départemental des Restos du coeur, qui a connu aussi la précarité, a choisi de venir en aide aux plus démunis.

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Quelle est aujourd’hui la situation des Restos du coeur dans l’Aude ?
Nous avons constaté, dès la campagne d’été, une forte hausse des demandes. Nous sommes passés de 9 600 familles bénéficiaires à 10 561 en un an. La campagne hivernale confirme une année difficile, conséquence de la crise sanitaire et économique. Les intérimaires, les saisonniers et
tous ceux qui travaillaient sans contrat sont en situation de précarité.

L’accueil de jour est aussi très sollicité ?
Oui. Avec le confinement, nous sommes passés de 50-60 personnes accueillies par jour à 150. Nous retrouvons une vingtaine de personnes sans-abri mais surtout de plus en plus de familles. Elles ont un logement mais n’ont plus d’argent pour se nourrir. Elles viennent juste prendre un plat
chaud. Mais ce qui nous attriste le plus, c’est que nous n’avons plus le temps d’assurer l’aide humaine.

Ici, nous accueillons tout le monde sans juger

En quoi consistait cette aide ?
Habituellement, quand les personnes viennent chercher la nourriture, nous les accompagnons, nous discutons. Cela permet d’en apprendre beaucoup sur leur situation personnelle et de les orienter. Aux Restos, la boîte de conserve, ce n’est que la partie immergée de l’iceberg. Ici, nous accueillons tout le monde, sans juger. Notre slogan est « L’humain avant tout » et ça... nous ne pouvons plus le faire.

Quels sont vos besoins ?
Le premier besoin, ce sont les bénévoles. Nous sommes 480 dans l’Aude. Mais la crise du Covid-19 nous a imposé de réduire les effectifs en demandant aux bénévoles les plus âgés de rester chez eux. Or nous distribuons en drive, ce qui nécessite beaucoup de préparation. Nos équipes sont déjà
sur la brèche depuis mars dernier. Nous avons besoin de nouvelles forces vives pour ouvrir
de plus larges plages horaires de distribution.

Vous avez aussi des besoins matériels ?
Pour la distribution, il nous faut des camions. Le Département vient de nous aider dans le cadre du
budget participatif en nous allouant 100 000 € pour en acquérir deux. Le premier est un véhicule
frigorifique. Le second sera aménagé pour aller à la rencontre de tous ceux qui sont isolés dans
la Piège, les Hautes-Corbières, la Haute-Vallée et la Montagne Noire. Certains agriculteurs retraités
doivent vivre avec 700 € net par mois. Nos statistiques confirment ces besoins. Nous allons
recruter une équipe de bénévoles, une vingtaine de personnes, pour gérer ce service d’ici fin 2021.
Nous avons aussi reçu 6 000 € du Département et 6 000 autres de Carcassonne Agglo pour remplacer un camion qui avait été brûlé il y a quelques mois.

Pourquoi vous être engagé aux Restos du coeur ?
J’ai débuté en 2013 quand j’ai pris ma retraite. J’ai perdu un fils dans la précarité et j’ai moi-même
eu besoin de l’aide du Secours populaire à un moment de ma vie. J’ai voulu, à mon tour, rendre
ce que l’on m’avait apporté. Je me suis occupé d’abord des animations, puis je suis devenu
secrétaire, et enfin responsable départemental il y a trois ans. Ici, la promotion arrive vite (sourire)
et tout le monde a l’esprit Restos du coeur. Et quand je vois des gens qui repartent avec la banane,
cela me touche. C’est ça notre gratification.

Biographie de Gilbert Olivier
1949. Naissance à Alger, où il vit jusqu’à ses 13 ans avec son père,
compagnon forgeron, et sa mère, femme de ménage.
Juin 1962. Départ de l’Algérie et installation de la famille à Toulouse.
1970. Après des études d’électronique et son service militaire
à Francazal, il devient programmateurconcepteur chez IBM à Montpellier.
1981. Champion de France de bowling avec Montpellier. Il décroche
six titres en individuel et devient coach de l’équipe de France.
1993. Départ pour l’île Maurice où il vivra six ans comme concepteur de bowling.
1999. Directeur du bowling de Carcassonne au Xénon.
2005. Il gère plusieurs restaurants à la Cité.
2013. Il prend sa retraite et entre comme responsable « animations » aux Restos du coeur.